Walid BEN AMOR Avocat près la Cour de Cassation

Mais Yassine Brahim ancien ministre de l’investissement
et de la coopération internationale déclarait haut et
fort son penchant pour un Code « Simpliste », et son
successeur n’en rajoutait pas un mot…

Entrée en vigueur et application dans le temps

La nouvelle loi sur les investissements entre en vigueur
à partir du premier janvier 2017 et abroge les dispositions du
Code promulgué par la Loi n°93-120 du 27 décembre 1993.
L’application de cette nouvelle loi dans le temps est réglementée
par les dispositions transitoires (Chapitre Septième) qui prévoient
sa non rétroactivité par rapport aux avantages déjà accordés sous
l’égide de l’ancien Code pour les entreprises entrées en exercice
avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Exemption (ou presque) des avantages financiers et fiscaux

Il faut se rendre à l’évidence selon laquelle les avantages
financiers et fiscaux qui étaient octroyés à titre d’incitation aux
investisseurs par l’ancien Code ont coûté vraiment très cher
à l’Etat. Selon les statistiques Idu ministère des finances, ces
avantages ont coûté en moyenne 1.5 million de dinars par an entre
les années 2009 et 2014, avec en plus, de très faibles parts pour les

Adopté samedi 17 septembre 2016, laissant des interrogations à
propos des vingt articles abrogeant un Code qui en contenait près

avantages octroyés au titre du développement régional.

Néanmoins, À l’instar de l’ancien Code, la nouvelle loi sur les
investissements dédie un chapitre (Chapitre 5) aux avantages et
incitations. Moins consistant certes, mais privilégiant toujours le
développement régional, le développement durable et certains
secteurs prioritaires dont notamment celui des nouvelles
technologies. L’article 20 du même chapitre prévoit d’importants
avantages surtout une exonération du paiement d’impôts pendant
les 10 premières années d’entrée en activité, les projets ayant « un
intérêt national ». La notion de projet à intérêt national, ainsi que
les projets bénéficiant des avantages accordés à ce titre, seront
déterminés par décret gouvernemental.

Disparité des textes et complexité des procédures

La portée généraliste du Code, fait rejaillir autour de lui une
panoplie de textes d’application non pas pour faciliter l’application,
mais pour la rendre faisable. Cette coutume déjà entérinée par
l’ancien Code qui a fait naître 33 décrets d’application qui ont
été modifiés 150 fois, témoigne de la persistance de la disparité
des textes régissant la matière de l’investissement avec toute la
difficulté qu’elle peut engendrer pour les acteurs concernés.

Nouvelle législation

Règles d’accès au marché et liberté d’investissement

L’article 4 dans son premier alinéa prône que « l’investissement
est libre ». L’article 5 ajoute que l’investisseur est libre dans
l’appropriation des biens immeubles non agricoles à la seule
condition d’avoir pour but un projet d’investissement direct et de
respecter les dispositions du Code de l’Urbanisme.

À savoir que, le projet de loi (version 2015) ? prévoyait une
suppression des autorisations et cahiers de charges pendant les
5 années qui suivent son entrée en vigueur. Cette mesure se
voulait sans doute comme un remède à la situation alarmante
de l’économie du pays et de la faible présence du secteur privé
dans le PIB. Mais cette disposition a été abandonnée, laissant aux
décrets d’application le soin de fixer dans un délai maximum d’une
année, la liste des activités soumise à autorisation.

Par ailleurs, le nouveau Code dispose qu’une réponse non
obtenue passé les délais, est considéré comme une réponse
favorable pour l’investisseur. Or ceci contredit la règle qui dispose
qu’une réponse administrative qui dépasse un délai de 2 mois
doit être considérée comme une réponse négative. Toutefois, il
serait peut être une erreur de se référer à la théorie générale
du droit administratif pour justifier une règle d’ordre purement
économique, ou plus encore, purement conjoncturelle.

En effet, la lourdeur des procédures administratives, et de
l’ordre administratif plus généralement constitue, une véritable
épée de Damoclès aussi bien pour les investisseurs potentiels que
pour les entreprises déjà en place.

Règlement des différends afférents à la matière : Recours à la
médiation et l’arbitrage / attribution de compétence aux tribunaux
tunisiens

L’article 23 prévoit que les tribunaux tunisiens sont compétents
pour trancher les différends qui puissent naitre entre l’Etat tunisien
ec l’investisseur étranger au cas où un recours à la médiation et
l’arbitrage a échoué.

Le législateur a probablement oublié que les conflits en matière
d’investissement nés entre un investisseur étranger etl’Etat tunisien,
ne peut relever de la compétence des tribunaux tunisiens au cas où
l’investisseur soulèverait leur incompétence juridictionnelle.

En effet il faut rappeler que la Tunisie est membre du Centre
International pour le Règlement des Différends relatifs aux
Investissements (CIRDI). La Tunisie est également signataire de
là Convention Internationale pour le Règlement des Différends
relatifs aux Investissements entre Etats et ressortissants d’autres
Etats, ratifiée par la loi N° 66-33 du 3 mai 1966. Cette Convention
prévoit qu’en l’occurrence, que ce genre de conflit est soumis
obligatoirement à la compétence du Centre International pour
le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements dont
le siège est celui de la BIRD (Banque Internationale pour la
Reconstruction et le Développement.)

En se référant à la « Pyramide de Kelsen » et sa hiérarchisation
des normes, les dispositions de cette convention sont dotées
d’une suprématie par rapport aux dispositions de l’article 24 de
la nouvelle loi sur l’investissement qui restent donc sans effet et la
compétence des tribunaux tunisiens par conséquent écartée.

Autres dispositions qui concernent l’investisseur étranger

L’investisseur étranger se retrouve au titre de la nouvelle
loi d’investissement sur un pied d’égalité avec l’investisseur de
nationalité tunisienne, en droits et en obligations. Plus encore, il
bénéficie désormais d’une protection de ses biens, de sa propriété
intellectuelle, et son droit à une indemnisation adéquate en cas
d’expropriation pour intérêt public.

Si ces droits reconnus pour l’investisseur étranger nous
semblent tout à fait légitimes, certains droits reconnus pour les
étrangers in concreto, nous intriguent autant.

D’abord l’article 6 permet à toute entreprise de recruter des
étrangers et ce, avec un taux pouvant aller jusqu’à 30% de la totalité
de ses cadres durant les 3 premières années de la constitution
légale de l’entreprise. Ce taux sera réduit à 10% à partir de la 4°
année. Une telle mesure, aura pour conséquence d’entraver les
efforts nationaux de la Tunisie orientés vers la réduction du taux
de chômage des jeunes diplômés.

On à attendu tellement la promulgation de la nouvelle loi
réagissant les investissements en Tunisie, mais on est resté sur
notre faim avec une loi contenant des lacunes et nécessitant
d’ores et déjà une révision .

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